merus (L)

Anopheles (Cellia) merus Doenitz, 1902

CARACTERES DIAGNOSTIQUES
Le complexe Anopheles gambiae sensu lato (s.l) est constitué de 7 espèces jumelles, morphologiquement indissociables mais qui ont des caractéristiques biologiques, écologiques et génétiques très différentes qui se traduisent par un rôle vectoriel très contrasté. Le complexe regroupe ainsi deux des meilleurs vecteurs de Plasmodium, des espèces jouant un rôle local dans la transmission du paludisme à l’Homme, et des espèces strictement zoophiles sans importance médicale. On distingue : - Anopheles arabiensis Patton 1904, - Anopheles bwambae White 1985, - Anopheles gambiae sensu stricto (s.s.) Giles 1902, taxon nominal du complexe - Anopheles melas Theobald 1903, - Anopheles merus Dönitz 1902, - Anopheles quadriannulatus Theobald 1911, - Anopheles quadriannulatus B Hunt 1998. L’existence d’un complexe d’espèces a initialement été suspectée sur la base de différences écologiques à l’état larvaire. En effet, au début du XXème siècle, deux écotypes d’An. gambiae s.l. étaient connus, l’un se développant en eau douce, l’autre en eau saumâtre. Ce n’est qu’au milieu du XXème siècle que l’existence d’un complexe d’espèces a été démontrée par des croisements de référence réalisés entre écotypes du complexe (Davidson & Jackson 1962, Davidson 1964). Au total, sept « unités de croisements » ont ainsi été mises en évidence sur la base de la production de mâles F1 stériles, et élevées au rang d’espèce (White 1974, Hunt et al. 1998). Par la suite, les études cytogénétiques (étude de la structure des chromosomes) ont permis de discriminer et d’identifier (génétiquement) les espèces du complexe (Coluzzi et al. 1979, 2002). Aujourd’hui, toutes les espèces du complexe sont identifiables grâce aux récents progrès de la biologie moléculaire. Elles sont identifiées par réaction de polymérisation en chaine (PCR ou Polymerase Chain Reaction) sur la base de polymorphismes de séquences nucléotidiques, notamment au niveau de l’ADN ribosomal (ADN nucléaire codant pour les sous-unités ribosomales). Ces polymorphismes sont fixés au sein d’une même espèce et différents entre espèces, permettant ainsi l’identification des différents membres du complexe quelque soit leur stade de développement (Scott et al. 1993). Toutes les espèces du complexe An. gambiae>/i> s.l. sont potentiellement vectrices (donc génétiquement compétentes) de plasmodies humaines. Cependant, leur rôle vectoriel dans la transmission des Plasmodium est variable en fonction de leur capacité vectorielle (Carnevale et al. 2009).

BIOLOGIE DE L'ESPÈCE
Anopheles merus est une espèce des côtes de l’est et du sud-est de l’Afrique ainsi que de certaines îles de l’Océan Indien (Madagascar, Maurice). Ses larves se développent dans les eaux saumâtres mais, contrairement à celles de l’espèce An. melas, elles sont incapables de supporter une salinité élevée. Au Kenya, les populations de larves baissent lorsque les gîtes s’assèchent et que la concentration en sel augmente jusqu’à atteindre celle de l’eau de mer. Les gîtes larvaires de cette espèce présentent en général un degré de pollution organique élevé et leur eau est le plus souvent noirâtre. An. merus est abondant dans les régions côtières où les larves peuplent les étendues d’eau saumâtre que constituent les lagunes, les mares et les marais et dans lesquelles l’eau de mer apportée par la marée est diluée par la pluie. Cette espèce est capable de pénétrer et de survivre à des distances assez considérables à l’intérieur des terres, là où existent des mares d’eau à haute teneur en sel. En Tanzanie, An. merus est présent jusqu’à 300 km des côtes. An. merus est opportuniste dans la recherche de son repas sanguin, avec cependant une nette dominante zoophile. En milieu domestique, lorsque le bétail est présent, les bovins sont nettement plus attractifs que les hommes. Par contre, en l’absence d’animaux domestiques, les femelles se montrent très agressives pour l’homme aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des habitations. Les tests de précipitines confirment ces résultats : celles qui ont été récoltées dans les habitations se sont gorgées sur homme, celles provenant de l’extérieur se sont alimentées presque exclusivement sur bovin. Lorsque les troupeaux passent la nuit à proximité des mares qui servent de gîtes, An. merus peut être totalement absent des villages. Cet anophèle peut être exophile ou endophile. Les femelles au repos à l’extérieur sont généralement capturées le long des racines et des troncs d’arbre des mangroves ainsi que dans des anfractuosités naturelles (termitières, trous de crabes, etc…). La durée du cycle trophogonique est, en moyenne, de deux jours. Elle peut atteindre 4 jours pendant la saison froide. Le taux de survie est faible. An. merus transmet expérimentalement le paludisme et la filariose de Bancroft. Dans les conditions naturelles, cette espèce n’est qu’un médiocre vecteur de ces parasitoses en raison de sa faible longévité et des ses habitudes alimentaires. Les indices sporozoïtiques observés sont toujours plus faibles que ceux d’An. gambiae. Il est possible que An. merus joue un rôle de vecteur secondaire dans les localité où il est très abondant.BRENGUES (J.), BRUNHES (J.) ET HERVY (J.P.), 1979.- La filariose de Bancroft en Afrique, à Madagascar et dans les les îles voisines. Études médicales, n°1, 90 pp.
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merus

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Carte de répartition de merus


TETE

THORAX

AILE

PATTE

ABDOMEN

ANTENNE

REPARTITION